5

La mère de Colin rentra du travail à cinq heures et demie.

Il attendait dans la salle de séjour un peu fraîche. Les meubles étaient dans des teintes brunes, et les murs tapissés de toile de jute. Des stores en bois recouvraient les fenêtres. L’éclairage était indirect, tamisé et agréable. C’était une pièce reposante. Assis sur le grand canapé, il lisait le dernier numéro de sa bande dessinée préférée, L’incroyable Hulk.

Elle lui sourit et lui ébouriffa les cheveux. « T’as passé une bonne journée, Skipper ? »

— Ça a été, répondit Colin, sachant qu’elle n’avait pas vraiment envie d’entendre les détails et lui couperait gentiment la parole arrivée à la moitié de son histoire. « Et toi ? » demanda-t-il.

— Je suis vannée. Veux-tu être un amour et me préparer une vodka-martini comme je l’aime ?

— Bien sûr.

— Avec un zeste de citron.

— Je n’oublierai pas.

— Je le sais bien.

Il se leva et alla dans la salle à manger, où se trouvait un bar bien approvisionné en alcools. Il ne supportait pas le goût des boissons très alcoolisées, mais il lui prépara rapidement son cocktail, avec la dextérité d’un professionnel ; il l’avait fait des centaines-de fois.

Lorsqu’il revint dans le living, elle était assise dans un immense fauteuil brun chocolat, les jambes repliées sous elle, la tête en arrière et les yeux clos. Comme elle ne l’avait pas entendu arriver, il s’arrêta sur le pas de la porte et l’observa quelques instants.

Elle se prénommait Louise, mais tout le monde l’appelait Weezy, sorte de surnom de gamine, mais qui lui allait bien car elle avait l’air d’une collégienne. Ses bras nus étaient fins et bronzés. Ses cheveux, longs, noirs et brillants ; ils encadraient un visage que Colin trouva soudain joli, vraiment beau, même si certains pouvaient juger la bouche trop grande. Tout en la regardant, il s’aperçut que trente-trois ans ce n’était pas réellement vieux, ainsi qu’il l’avait toujours pensé.

Pour la première fois de sa vie, Colin regardait vraiment son corps : poitrine pleine, taille fine, hanches rondes, longues jambes. Roy avait raison ; elle était super bien faite.

Pourquoi ne l’avais-je jamais remarqué ?

Il trouva immédiatement la réponse : parce qu’elle est ma propre mère, pour l’amour du ciel !

Le rouge lui monta au visage. Il se demanda s’il était en train de devenir une espèce de pervers, et se força à détacher les yeux de son pull moulant.

Il se racla la gorge et se dirigea vers elle.

Elle ouvrit les yeux, releva la tête, prit le martini et le but à petites gorgées. « Mmm. C’est parfait. Tu es un amour. »

Il s’assit sur le canapé.

Au bout d’un moment, elle dit : « Quand j’ai pris cette affaire avec Paula, je n’ai pas réalisé que le patron d’un commerce devait travailler plus dur que les employés. »

— Il y a eu du monde à la galerie aujourd’hui ?

— On a eu plus d’allées et venues que dans une gare routière. À cette époque de l’année, on s’attend à de nombreux flâneurs, des touristes qui n’ont pas vraiment l’intention d’acheter quoi que ce soit. Ils s’imaginent que parce qu’ils passent leurs vacances à Santa Leona, ils ont droit à quelques heures gratuites du temps de chaque boutiquier.

— Tu as vendu beaucoup de tableaux ?

— Curieusement, oui, quelques-uns. En fait, ça a été notre meilleure journée.

— C’est super.

— Évidemment, c’est juste un jour. Compte tenu de ce que Paula et moi avons payé pour la galerie, il va nous falloir de nombreuses journées comme celle-là pour garder la tête hors de l’eau.

Colin ne vit rien d’autre à ajouter.

Elle sirota son martini. Sa gorge ondula légèrement comme elle avalait. Elle paraissait si gracieuse et délicate.

— Skipper, peux-tu te préparer à manger ce soir ?

— Tu ne dînes pas à la maison ?

— Il y a encore beaucoup de monde au magasin. Je ne peux pas laisser Paula seule. Je suis juste rentrée à la maison pour faire un brin de toilette. Et même si cette pensée me fait horreur, je vais reprendre le collier dans vingt minutes.

— Tu n’as dîné qu’une seule fois à la maison la semaine dernière.

— Je sais, Skipper, et j’en suis désolée. Mais je fais tout mon possible pour nous construire un avenir, pour moi et pour toi. Tu comprends cela, n’est-ce pas ?

— Oui, je suppose.

— C’est un monde difficile, mon chéri.

— De toute façon, j’ai pas faim. Je peux attendre jusqu’à ton retour, après la fermeture de la galerie.

— Écoute, chéri, je ne vais pas rentrer directement à la maison. Mark Thornberg m’a demandé de souper avec lui.

— Qui est Mark Thornberg ?

— Un artiste. Nous avons démarré une exposition de ses toiles hier. En fait, environ un tiers de ce que nous vendons est constitué par sa production. Je veux le persuader de nous laisser être ses uniques agents.

— Où va-t-il t’emmener ?

— Nous irons au Little Italy, je pense.

— Wouah, c’est un endroit super ! s’exclama Colin, penché en avant sur le canapé. « Je peux venir ? Je ne dérangerai pas. Tu n’auras même pas besoin de revenir me chercher ici. Je peux prendre mon vélo et te retrouver là-bas. »

Elle fronça les sourcils et évita son regard. « Je regrette, Skipper. Ce n’est absolument pas pour les enfants. Nous allons parler longuement affaires. »

— Ça m’est égal.

— À toi peut-être, mais pas à nous. Écoute, pourquoi ne vas-tu pas au Charlie’s Café manger un de ces gros cheeseburgers que tu aimes tant ? Avec un milk-shake super-épais, qu’on mange à la cuillère.

Il se renfonça au fond du canapé, tel un ballon s’étant rapidement dégonflé.

— Arrête de bouder, dit-elle. Ça ne te va pas. Bouder, c’est bien pour les petits bébés.

— Je ne boude pas. C’est d’accord.

— Charlie’s Café ? suggéra-t-elle.

— Ouais. OK.

Elle termina son martini et ramassa son sac. « Je vais te donner de l’argent. »

— J’en ai.

— Je vais t’en donner quand même. Maintenant, je suis une femme d’affaires arrivée. J’ai les moyens.

Elle lui tendit un billet de dix dollars. « C’est trop », dit-il.

— Dépense le reste en bandes dessinées.

Elle se pencha, l’embrassa sur le front, et partit se rafraîchir et se changer.

Il resta quelques minutes assis en silence à regarder le billet. Puis il soupira, se leva, sortit son portefeuille et rangea l’argent.

La voix des ténèbres
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